Description
Ce coffre en noyer blond, daté du XVIᵉ siècle et originaire du Val de Loire, témoigne de l’art raffiné de la Seconde Renaissance française. Son bâti solide se distingue par une ornementation foisonnante, typique de cette période. La façade principale déploie une synthèse du récit de la création d’Ève et de la Chute, organisée en deux panneaux rythmés par trois caryatides. La clef, d’une exécution d’orfèvrerie remarquable, est conservée dans son état d’origine.
« Homme et femme il les créa » — Genèse 2, 4-25
Le récit s’organise en quatre scènes distinctes, réparties sur deux médaillons circonscrits par des guirlandes de feuilles de chêne et de glands, finement agrémentées de nœuds.
Premier médaillon :
La narration s’ouvre sur la scène placée à l’arrière-plan, à gauche :
Dieu, représenté sous les traits d’un roi barbu, tire du flanc d’Adam endormi le corps d’Ève. Au centre de la composition se déroule l’épisode crucial du récit : Ève tend à Adam le fruit défendu de l’arbre de vie. Le tentateur, un serpent-femme hybride, enroule son corps autour du tronc et encourage la femme d’un geste de la main.
La nudité d’Ève, délicatement rendue, évoque la grâce d’une Vénus antique. La position d’Adam rappelle une gravure de Jean Sadeler d’après Martin de Vos (vers 1550–1600), dont l’œuvre considérable inspira de nombreux artisans (In Adam omnes moriuntur).

Second médaillon :
S’y joue la conséquence dramatique du premier épisode. Le fruit défendu a ouvert les yeux du couple sur leur nudité : Ève tend à Adam des feuillages pour dissimuler les corps dont ils ont honte.
« Leurs yeux à tous deux s’ouvrirent, et ils prirent conscience qu’ils étaient nus. Ils attachèrent ensemble des feuilles de figuier et s’en firent des ceintures. » — Genèse 3, 1-7
Selon la volonté divine, un ange surgit du ciel, sabre en main, et chasse le couple damné des portes du Paradis. Entre l’homme et la femme s’interpose un squelette : la mort partage désormais leur exil.
« Puisque tu as écouté la voix de ta femme et que tu as mangé de l’arbre au sujet duquel je t’avais donné cet ordre : “Tu n’en mangeras point !” le sol sera maudit à cause de toi. » — Genèse 3, 17
Les trois caryatides obéissent à une même composition : des gaines drapées qu’une main relève avec grâce, surmontées d’une tête de putto d’où s’échappe une guirlande de pommes, symbole du fruit défendu. Les caryatides sont raffinées et minutieusement détaillées, des parures finement sculptées et des expressions bien décrites.
À gauche, un homme moustachu, coiffé de plumes et vêtu d’une cotte romaine, dissimule des gueules de lions sur ses épaules et sur son front. À droite, son pendant porte un couvre-chef « oriental » ; sa chevelure, épaisse et ondulée, s’écarte des modèles italiens.
Car si la Renaissance française s’inspire largement des gravures et des maîtres transalpins, elle adapte leur vocabulaire ornemental selon sa propre sensibilité. Ces figures typées, tout comme l’organisation architecturée du meuble, témoignent de cette synthèse : un art nourri d’influences multiples, empreint d’un esprit international, mais fidèle à la singularité française. Au centre, la femme une femme nue, poitrine dénudée fait office de serrure, réceptacle de la clef.
L’ornementation de ce coffre s’inscrit pleinement dans le goût italien, nourrie de motifs empruntés à l’Antiquité. Deux frises courent le long des panneaux, animées de guirlandes sacrificielles où s’entrelacent pampres, putti et gueules de lions. Les côtés, conçus en panneaux à plate-bande, présentent une rosace centrale entourée de feuilles d’acanthe et munie d’une poignée tombante. L’ensemble est surmonté d’une succession de pennes d’oiseaux et de motifs géométriques, tandis que de grandes plumes encadrent la rosace, soulignant la richesse et la cohérence du décor.
Ce coffre, orné d’un décor foisonnant d’une rare finesse, illustre avec éclat l’art du Val de Loire dans la seconde moitié du XVIᵉ siècle. Héritier de la tradition des huchiers français, il intègre avec élégance les motifs italiens popularisés par les gravures issues des chantiers de Fontainebleau. La présence exceptionnelle de sa clef d’origine en renforce encore le prestige.
Bibliographie :
Adam et Eve, De Durer à Chagall, Gravures de la Bibliothèque nationale.













