CABINET D’ÉPOQUE RENAISSANCE

CABINET D’ÉPOQUE RENAISSANCE

 

ORIGINE : FRANCE, VAL DE LOIRE
ÉPOQUE : XVIe SIÈCLE, VERS 1580

 

Corps supérieur
Hauteur : 73.5 cm
Largeur : 91 cm
Profondeur : 40 cm

Corps inférieur
Hauteur : 99 cm
Largeur : 112 cm
Profondeur : 47 cm

Hauteur totale : 237 cm

 

Bois de noyer clair, couleur miel
Parfait état de conservation

 

 

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Description

Ce cabinet se compose de deux corps superposés à retrait. Admirablement proportionné, il est paré d’un décor sculpté de figures mythologiques accompagnées de mascarons et d’une incroyable flore.

Le corps inférieur repose sur une base moulurée, portée par des pieds-boule aplatis. Il ouvre par deux vantaux dont les montants sont ornés de deux termes masculins dont la gaine, qui s’enroule à son extrémité, est garnie d’une tête d’angelot ailé, de chutes de fruits et de fleurs. Les oreilles pointues et la moustache épaisse, ils portent sur leur tête un imposant panier débordant de fruit. Sur le dormant, on trouve un terme féminin.

Sur les deux vantaux au cadre mouluré, une niche abrite un personnage dont le corps se dégage quasi intégralement du panneau de bois. La niche, sous laquelle se trouve un masque grimaçant, est encadrée de deux harpies à tête d’aigle. Elle est surmontée d’un fronton brisé aux rampants couverts d’un amoncellement de fruits.

Les deux personnages qui s’élèvent fièrement à l’intérieur des niches sont issus de la mythologie.

Ils sont tout deux représentés dans la nudité héroïque, une draperie nouée sur leur front se déploie en cascade dans leur dos. Si les attributs de la figure de gauche permettent d’identifier sans peine le dieu des dieux, Zeus (Jupiter) – il tient de sa main gauche le Foudre -, la figure de droite, qui a perdu l’attribut qui permettait de la désignée semble plus énigmatique. Il pourrait cependant s’agir de Pluton (Hadès), le dieu des enfers. Il devait tenir entre ces mains une fourche. A ses pieds, une ombre que l’on peut encore discerner aujourd’hui laisse penser qu’il était autrefois accompagné de cerbère, le chien à trois têtes, gardiens de l’entrée du royaume des morts. Une gravure de Giovanni Jacopo Caraglio d’après le Rosso représente Pluton dans une attitude très semblable à cette sculpture.

Les côtés du corps inférieur sont ornés d’une rosace centrale reliée à deux demi-rosaces par un ruban.

Au-dessus, sur la ceinture scandée de trois masques aux physionomies humaines, le cabinet ouvre à deux tiroirs ornés de rinceaux feuillagés émargeant de bustes d’angelots.

Le corps supérieur, en fort retrait, est divisé en plusieurs registres. Le registre inférieur est orné de deux panneaux rectangulaires sculptés en leur centre d’un masque aux grandes oreilles pointues, parées de boucle d’oreille en forme de goutte. De ces têtes grimaçantes naissent des rinceaux feuillagés qui s’enroulent en de gracieuses volutes. Derrière ces panneaux se cachent en réalité deux tiroirs, fermés par un dispositif secret. Il est en effet possible dans condamner l’accès en introduisant une cheville depuis l’intérieur du corps central. L’absence de serrure ou de poignée les dérobent à la vue du non initié. 

Au-dessus, le corps central est divisé par trois colonnes à chapiteau corinthien et fût lisse présentant en partie basse un décor de rinceaux, finement sculpté. Il ouvre par deux vantaux qui reçoivent un décor similaire à celui déjà rencontré au corps inférieur.

Deux nouvelles divinités garnissent les niches. Il s’agit, à gauche, de Vénus (Aphrodite) accompagnée de Cupidon (Éros) et à droite, de Mercure (Hermès).

Vénus, nue, porte dans sa main droite une torche brûlant du feu de l’Amour. A ses côtés, son fils est pourvu de petites ailes et de son carquois.

Mercure, fils et messager de Jupiter, est quand à lui identifiable à ses sandales ailées et au pétase dont il est coiffé. De sa main gauche, il tient une trompette tandis que de l’autre, il tenait autrefois le caducée.

Le corps supérieur porte un entablement et un extraordinaire fronton. L’entablement se compose d’une architrave et d’une fine corniche débordante. L’architrave est divisée en deux panneaux. L’un et l’autre sont ornés d’un écu, posé sur un cuir enroulé, porté par deux putti aux cheveux bouclés et dont les corps sont constitués d’un rinceau feuillagé terminé par une fleur.

 

Le large fronton circulaire brisé qui couronne le cabinet porte en acrotère deux figures, l’une féminine, l’autre masculine. Dans la brisure, deux colonnes corinthiennes, cantonnées de deux chimères à tête et buste féminin, supportent un large entablement lisse. Une niche est percée entre les deux colonnes. Elle abrite une statue de Minerve (Athéna). La déesse de la Sagesse est couverte du péplos, une tunique longue. Elle tient posée à terre son bouclier orné du Gorgonéion – la tête de Méduse.

Au sommet de l’élément triomphal, se dresse Mars, dieu de la guerre, casqué et en armure.

 

Contexte historique

La Seconde Renaissance française que l’on fait débuter vers 1545, fut à l’origine d’un profond renouveau dans le domaine de l’art du meuble.

La structure du meuble, aux proportions harmonieuses, s’inspire alors de l’architecture. Les ordres antiques sont mis à l’honneur, grâce notamment à la lecture des traités d’architecture de Vitruve.

On réinvente également le répertoire ornemental. L’influence de l’art italien pétri d’humanisme et la redécouverte de l’Antiquité mènent à une évolution significative des motifs décoratifs. La présence sur les chantiers royaux, et particulièrement Fontainebleau, de nombreux artistes italiens – Le Rosso, Le Primatice, Niccolo Dell’Abbate – permit une revitalisation de l’art français.

Leur création connu une large diffusion grâce à l’émission de nombreuses gravures et estampes qui ne manquèrent pas de trouver, chez les artistes français, une oreille attentive. On vit alors fleurir les palmettes, les acanthes, les guirlandes de fleurs et les grappes de fruits. Cette flore abondante se vit accompagnée d’une faune fabuleuse de harpies et de chimères. L’ordre cariatide connu un véritable engouement avec ces figures posées sur des gaines richement garnies. La mythologie antique n’est pas en reste et fournie aux artistes un prétexte à la sensualité grâce à la représentation des corps nus, sveltes et élancé des dieux et déesses.

Les menuisiers, les imagiers de la seconde moitié du XVIe siècle ne manquèrent pas de puiser l’inspiration dans ces nombreux recueils. Le cabinet présenté ici possède toutes les caractéristiques du mobilier de cette Seconde Renaissance française. On ne peut qu’admirer la belle unité de son décor hérité de l’art bellifontain. S’inspirant de la mythologie antique, les dieux et déesses qui ornent les niches présentent un modelé fin et souple. Elles ne sont pas sans rappeler celles que grava Giovanni Jacopo Caraglio en 1526 d’après la série des Divinités de la Fable du Rosso Fiorentino. Présentées dans des niches, ces divinités aux attitudes élégantes et pleines de dynamisme convenaient parfaitement pour orner les panneaux des cabinets.

En outre, ce cabinet est exceptionnel à plus d’un titre. D’une part, grâce à la grande qualité du bois de noyer clair qui fut employé, d’autre part grâce à l’adresse du ciseau qui l’a travaillé. L’extrême finesse d’exécution de la sculpture en bas-relief comme en ronde-bosse, la minutie d’orfèvre avec laquelle ont été réalisé certains détails laissent penser que l’imagier qui fut chargé de la réalisation de ce chef-d’œuvre était l’un des plus habile de son temps.

 

Ce cabinet à deux corps apparaît alors comme un exemple particulièrement précieux, reflet de l’art bellifontain typique de la seconde Renaissance, vers la fin du XVIe siècle.

 

Bibliographie 

Jacqueline Boccador, Le mobilier français du Moyen-âge à la Renaissance, Ed. Monelle Hayot 

Jacques Thirion, Le mobilier du Moyen-âge et de la Renaissance et France 

James Hall, Dictionnaire des Mythes et des Symboles

https://metmuseum.org/art/collection/search/368128