FERDINAND PARPAN – Saint Jean Baptiste

FERDINAND PARPAN

(1902 – 2004)

 

Saint Jean Baptiste

 

XXe siècle

Bronze à patine brun-vert

Fonte Blanchet-Landowski, EA

 

Hauteur : 26.5 cm

 

 

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Description

L’Artiste

 

« A l’occasion du salon de l’art libre, en 1957, à Paris, où Ferdinand Parpan exposait ses œuvres, un célèbre critique écrivit :

« Parpan continue la tradition de ses ancêtres, évoluant vers une nouvelle expression d’une esthétique moderne. Il est un maître de la sculpture. »

Ce « maître de la sculpture », originaire des Grisons – mais qui n’y a jamais vécu, se sentant là-bas trop à l’étroit pour exister et créer sur un sol montagneux, peu fertile, « avec des montagnes trop dures pour la sculpture » -, a travaillé uniquement dans un « paysage urbain ».

Son père, d’origine italienne, est un sculpteur ornemaniste sur bois, travail qui requiert dextérité et créativité. Très tôt, il devine les capacités de son fils et lui installe un petit établi près du sien, afin de l’initier au travail du bois qui, de simple jeu, devient une véritable activité.

Ferdinand Parpan entre en apprentissage à treize ans chez deux maîtres-graveurs : il pratique le modelage – qui lui permettra plus tard le coulage des bronzes-, la pointe sèche, il reproduit en taille douce des tableaux de maîtres, cisèle en ramolayé (bas-relief) et grave des médailles. Sa vocation de sculpteur s’affirme déjà : « Quand j’étais jeune, je croyais que le sculpteur était un type avec un ciseau et un marteau qui tape sur la pierre. Or c’est surtout un moyen de dire certaines choses avec n’importe quel matériau » confie Parpan. Il a donc recherché, à travers ses œuvres, à nous faire découvrir d’autres horizons et à nous ouvrir à de nouvelles formes de sculptures.

Mais vers 1920, il doit reprendre avec son père le travail du bois. il sculpte alors des sujets, son père s’occupant des différents ornements en fonction des styles. En 1930, à la recherche d’un travail dans le dessin, Parpan reçoit une commande d’art religieux : il peut ainsi continuer son art, même s’il ne vend pas à cette époque-là, et « pourra », déclare-t-il, « tel un bon vin, mûrir jusqu’à nos jours ». Car, pour Ferdinand Parpan, compte tenu de sa vocation et de sa passion pour la sculpture, « sculpter c’est un peu comme respirer ».

Sa première exposition individuelle à Paris remonte à 1936, mais Parpan s’accordera vingt ans de réflexion avant d’exposer à nouveau, période durant laquelle l’artiste ne suivra d’autre école que celle de la vie. Il ne fréquente aucun milieu artistique, malgré son intérêt pour toutes les formes d’art. C’est un autodidacte qui ne relève d’aucune école. Installé dans son atelier, rue du Retrait à Paris, il n’a pas recherché les échanges avec ses confrères afin de se consacrer totalement à son art et peut-être d’éviter de troubler sa liberté artistique. Sa sensibilité toujours en éveil, prête « à trouver une solution plastique à ses élans »,il crée sans autre but que le plaisir – d’ailleurs, on sent ses œuvres imprégnées de fantaisie et de légèreté.

Parpan prend les membres de sa famille comme modèle et raconte que « son père était merveilleux et facile à décider pour poser ». Nous avons l’impression que ses sculptures sont presque vivantes.Il sculpte avec un souci du détail, une fluidité étonnante et une ponctuation audacieuse. Pour l’artiste, sculpter c’est un peu comme converser avec le matériau – il se sent devenir le « confident » de la matière -, comme une aventure, où il devra définir un espace précis à la forme qu’il va patiemment élaborer. Quel que ce soit le matériau employé, le trait qu’il dessine ou l’énergie qu’il déploie, toutes ses œuvres « l’accompagnent » à chaque instant. Avec patience et minutie, il donne corps à la matière qui deviendra sous ses doigts un musicien, un animal, un nu … Ferdinand Parpan possède un réel sens des formes et des rythmes; il est doué de ce don d’animer la matière, ses formes naissent d’instinct. Il a cette « intelligence des mains » qui l’autorise à créer aussi bien avec de la pierre, du marbre, de l’albâtre, de l’ivoire, du bronze ou encore du bois.

Parpan se situe hors du temps, il ne prête pas attention aux tendances de la mode et poursuit son cheminement intérieur. Il explore l’art, et à travers ses formes courbes, il transpose des images, des impressions, des événements qui l’ont ému profondément. Ainsi, l’artiste rattache ses sculptures aux différents moments de sa vie et nous livre, de manière inoubliable et touchante, de vraies émotions. Cet « oublié de la gloire » donne une impression unique d’avoir atteint, après une longue traversée silencieuse, une sorte de perfection formelle qui sommeille au cœur de la matière, offerte aux plus talentueux et aux plus innocents.

Il possède un jeu délicat qui s’est établi entre les différents éléments de la sculpture et il capte la lumière et l’ombre de telle sorte qu’elles ne forment plus qu’un trait. Entre ses sujets et lui, il y a une étroite et intense intimité.

On a souvent dit que Ferdinand Parpan « n’est pas un enfant de son temps, ni de l’art de son temps. Il est l’enfant de ses propres rêves, de son effort, de sa ténacité, d’une constance qui vaut bien les plus éclatantes démarches. » En lui nous décelons lucidité et compétence. C’est comme s’il disposait d’un choix infini de thèmes et qu’il variait, avec un plaisir non dissimulé, ses formes, telle une symphonie composée de moments subtils, puis de morceaux rutilants et enfin, de passages· mystérieux ou glorieux … La virtuosité de ses formes sculptées révèle un artiste passionné par la ligne, le mouvement, le contour, la physionomie, l’ombre, la lumière et de toute évidence les courbes.

Si Parpan a choisi de sculpter dès son enfance, c’est peut-être parce qu’il cherche à traduire certains moments privilégiés de cette époque dans son univers et ses projets ? La sculpture serait un moyen de rendre compte de sa vision du monde extérieur, la réalité n’étant pas un prétexte pour faire des œuvres d’art mais un moyen nécessaire pour réaliser ce qu’il voit et ce qu’il perçoit.

On a l’impression que l’artiste se sent « possédé» » par sa sculpture; il se laisse guider par son inspiration, qui s’empare de l’espace, pour y saisir des formes qu’il passera ensuite au crible de son imagination afin d’en faire des œuvres d’art. Lorsqu’il sculpte dans son atelier, il exprime une sorte de jubilation, de félicité intérieures, tant son plaisir de livrer une œuvre à notre regard – que ce soit un Hibou, une Danseuse sur pointes ou encore un Saint Jean-Baptiste – est intense. Son œil ne connaît ni repos ni fatigue, et notre œil, devant ses sculptures, n’a pas le droit lui non plus au repos. Dans les formes que nous admirons, nous nous surprenons à ne vouloir faire qu’un avec elles.

Ferdinand Parpan emploie toutes sortes de matériaux, que ce soit le corail, l’ivoire, l’albâtre, l’onyx, le marbre, la pierre ou encore le bois. Il choisit le matériau qui le frappe, avec peut-être une préférence pour le bois – ébène, acajou, chêne, poirier, iroko ou buis. En effet, il a commencé par apprendre en sculptant le bois, et il apprécie vraiment de travailler « un bloc de matière brute » en ronde bosse. Grâce à cette technique, Parpan obtient des formes harmonieuses et fluides qui nous permettent d’accéder à un monde de sensations.

Cependant, Parpan aime travailler en taille directe, technique réclamant le respect de la matière. Aussi, sculptant selon son inspiration, il recherche, à travers son geste, des formes souples, non statiques, des surfaces lisses et des lignes simplifiées. En taillant la pierre, le marbre, l’onyx ou l’ébène, il ne s’autorise aucune erreur, car il est exigeant. Avant de commencer une œuvre, il polit doucement la pierre, le bois, et il parvient à des surfaces parfaitement lisses où lumière et volume se conjuguent. Ces surfaces polies et ces formes douces – notamment avec le marbre blanc – offrent une impression de sérénité.

Ses sculptures en taille directe, qu’elles soient en pierre, en marbre, en ivoire, en bois ou en albâtre, nous invitent à les toucher, à les effleurer. Les couples enlacés, les nus de femmes, les torses aux splendeurs virginales, les maternités, les couples de danseurs ou les sujets religieux sont imprégnés d’une douceur, d’une sensibilité et d’une sensualité que nous ressentons dans tout son œuvre.

Ses sculptures nous laissent une impression inoubliable par la pureté de leurs formes et leur « courbisme ». Grâce, en effet, à son œil et à sa main totalement exercés, ses œuvres conservent émotion et ferveur.

Sans relâche, Ferdinand Parpan est en quête de vérité; il est en permanence à la recherche de pureté, de simplicité, d’élégance, de clarté, de simplification des lignes et des formes. Ce qui importe avant tout, c’est la vie, qu’il empreint dans les matériaux les plus divers, et finalement, c’est là que réside la différence entre un objet d’artisanat et une œuvre d’art.

Parpan intègre peu de détails à ses sculptures : en effet, lorsqu’il polit la matière, il souhaite obtenir un sujet d’une pureté maximale, sobre et équilibré, tout en lui gardant une grande expressivité. Il sait allier l’harmonie des formes et la rigueur des lignes et nous offre à chaque nouvelle sculpture une pièce unique.

L’influence de l’ombre et de la lumière, des lignes et des volumes caractérise ses sculptures qui sont d’une indéniable modernité. Son art révèle un sens aigu des volumes et un véritable souci des structures. Le trouble que nous communique le trait ou la ligne de ses animaux, de ses nus ou de ses musiciens est lié à une sorte d’oubli profond de l’artiste.

Ferdinand Parpan transforme la réalité en la simplifiant, donne une âme à chaque sculpture en l’épurant, en n’en brisant aucun mouvement, malgré quelques lignes géométriques et une certaine symétrie. Son œil ou son esprit ne pouvant tout percevoir en une seule fois, il explore à travers elles toutes ses ressources intérieures. L’artiste arrive, en quelque sorte, à un dialogue nouveau, différent et plus profond à chaque nouvelle œuvre.

Ses œuvres n’ont pas d’emprise sur le temps. Bien que sa sculpture soit contemporaine, son art évolue hors des modes. Parpan est à la fois d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Ses sculptures constituent un inlassable répertoire de formes, sans cesse renouvelées, grâce auxquelles il exploite toutes les possibilités qui s’offrent à lui sans se limiter, et en poursuivant des rythmes, des arabesques, des impressions ressenties. Son travail est rigoureux, réfléchi, patient. Il sculpte puissamment la vie en mouvement, intégrant des formes cubiques, mais y ajoutant un certain « courbisme ». Parpan est un précurseur qui livre une sculpture unique, aux lignes épurées, expressive et comme vivante. Selon Anne Kerner, les sculptures de Parpan « valsent entre cubisme et impressionnisme [ … ]. Dans ses baigneuses et dormeuses lovées sur elles-mêmes, dans son thème fétiche des musiciens inauguré dès les années 30, il rythme et synthétise, étire corps et instruments, et refuse tout détail superflu pour ne plus rendre qu’une calligraphie dynamique et spontanée. »

Parpan recrée l’espace en le sculptant. Il visualise précisément le sujet qu’il va façonner selon ses désirs. Ainsi, il concrétise une nouvelle expérience lui permettant de s’affirmer tout en recherchant le beau ou la création d’un monde qui l’autorise à l’évasion. Pour lui, l’art est réflexion et l’intelligence corrige sa vision : il reconsidère les formes apparentes pour les rendre intelligibles. Il pressent les lignes essentielles des objets qu’il sculpte (tels les nus ou les musiciens). L’harmonie des formes et l’équilibre entre l’ombre et la lumière participent ensuite à la réussite de son œuvre.

Ferdinand Parpan ne s’attache pas à l’anatomie sous ses formes habituelles : il exalte la simplicité des formes humaines et animales – ainsi, ses animaux, particulièrement élaborés et touchants, sont encore plus épurés que ceux de Pompon.

Il traduit ses sensations et ses impressions avec une grande lucidité et fait preuve de clairvoyance. Il est sans cesse en éveil devant le monde sensible et essaie d’en dépasser les limites pour tenter d’en résoudre le mystère, la poésie et le rêve, et de trouver de multiples créations appartenant à un univers qu’il côtoie sous toutes ses facettes. Ses sculptures ont, de ce fait, le charme unique d’une étroite, voire indissociable relation entre son idéal d’artiste et l’intimité de son existence. César a dit de lui : « Ferdinand Parpan est un prodige. Cet artiste toujours élégant arrive à sortir de ses mains et à l’infini des œuvres d’une grande beauté et d’une grande pureté. » Imprégné d’une profonde générosité, l’œuvre de Ferdinand Parpan se laisse admirer sans restriction. N’omettons pas ses peintures dont il maîtrise également la forme et la couleur. Lorsqu’il peint ses nus ou son atelier (nous livrant sa production avec un regard objectif), nous découvrons une peinture qui s’apparente à l’impressionnisme à travers ce jeu des ombres, des lumières et des couleurs qu’il utilise.

Ferdinand Parpan a su très tôt se dégager du « classicisme » pour atteindre « la modernité »: en effet, il a réalisé une sculpture, qu’il a appelée L’Arbre de vie, voulant nous transmettre que « la mort n’est pas une fin, mais un commencement. »Cette notion est totalement intériorisée. Nous ne distinguons pas de forme véritable mais plutôt des éléments qui nous émeuvent par leur prestige, leur frémissement et leurs lignes délicates et raffinées qui nous invitent à une méditation sur le caractère transitoire de l’existence et l’immanence de la mort. Il explique : « Par la mort renaît une nouvelle vie, créatrice, prolifique, bénéfique, qui s’élève au-dessus des contingences terrestres ». L’idée de cette sculpture lui est venue à la suite d’une promenade dans le cimetière du Père-Lachaise. Il avait remarqué que « des arbres ayant pris naissance dans des tombes, avaient puisé une forte et grande croissance, étaient devenus très puissants, s’élevaient haut et, par leurs racines, entouraient et broyaient pierre et fer. Ainsi, au sol, le crâne en albâtre représente la mort, la destruction, les ténèbres, et l’arbre, sur les branches duquel figurent et se dispersent les esprits, mais au-dessus du néant, dans un jaillissement prolifique, renaît une création de vie et de couleurs, amenant l’espérance de la victoire. »

Ainsi, Parpan nous offre un œuvre flamboyant et superbe qui puise ses sources dans l’inconscient et crée un édifice tant intérieur qu’extérieur, permettant, grâce à notre regard, de lui donner vie, d’exister. Son art nous enchante véritablement et l’on peut affirmer que son œuvre rejoindra celui de tous les autres grands artistes. César ne s’était d’ailleurs pas trompé lorsqu’il avait dit, lors de l’attribution du grand prix européen de la sculpture en 1991 : « Ferdinand Parpan est un créateur complet et authentique de formes qui ne peut qu’honorer la sculpture européenne. »

Maître amoureux de la matière, il réinvente le monde, il réinvente la vie, avec une soif jamais assouvie de perfection et de recherche, et la conviction que tout reste éternellement à inventer …  « 

Jean-Charles Hachet, Ferdinand Parpan, L’intuition des formes, Somogy Editions d’Art

 

Bibliographie :

Jean-Jacques Lévêque, Ferdinand Parpan sculpteur, Paris, éditions de l’Amateur, 1989, 179 p. (ISBN 2859170928).

Jean-Charles Hachet, Ferdinand Parpan : l’intuition des formes, Paris, Somogy éditions d’art, 2001, 270 p. (ISBN 9782850564338).

Fonds d’atelier du sculpteur Ferdinand Parpan (1902-2004) : sculptures originales sur bois, onyx, albâtre, pierre et ivoire, Paris, Lombrail-Teucquam, 2006, 39 p..

Jean-Charles Hachet, « Le sculpteur Ferdinand Parpan », Arts et biologie,‎ juin 1992 (ISSN 1168-7916)

Jean-Charles Hachet, « Ferdinand Parpan », Arts et biologie,‎ mars 1999 (ISSN 1168-7916)

Jean-Charles Hachet, « 83 ans après Rodin, la Suisse honore le sculpteur Ferdinand Parpan », Arts et biologie,‎ juin 2000 (ISSN 1168-7916)